Les fondamentaux Les écoponts ou écoducs
Les activités humaines grignotent rapidement du terrain et de la biodiversité. Une étude de 2020, parue dans Frontiers in Ecology and Environment, estime à 29 millions le nombre de mammifères tués par an sur les routes d’Europe. Pour protéger les animaux et les écosystèmes, un ouvrage écologique, construit au-dessus des routes et des autoroutes, s’impose comme une solution d’aménagement. L’écopont permet en effet à la faune de traverser sans risque les zones dangereuses. Mais comment fonctionnent ces passages secrets ? Quelles espèces bénéficient de ce petit coin de nature ? Voici comment ces innovations allient environnement et sécurité routière.
Qu’est-ce qu’un écopont ou écoduc ?
Un écopont, également appelé passage à faune, est une infrastructure écologique conçue pour que les animaux traversent des voies de circulation à forte densité (autoroutes, routes nationales ou voies ferrées). Ces ouvrages sont des solutions d’ingénierie environnementale. Ils ont pour objectif de maintenir la connectivité entre différents habitats naturels fragmentés par les infrastructures humaines.
L’idée est simple. L’urbanisation a morcelé les milieux naturels occupés par de nombreuses espèces. Pour éviter l’isolement des habitats et limiter les collisions entre véhicules et animaux, il faut rétablir la trame naturelle fragmentée par les activités humaines. Ces ouvrages écologiques contribuent à un équilibre entre infrastructures modernes et environnement. Ils préservent les déplacements naturels des animaux. Certaines espèces ont même retrouvé le chemin de leur habitat auquel elles n’avaient plus accès.
Les écoponts peuvent prendre différentes formes :
- un pont végétalisé qui ressemble à un passage naturel (écopont) ;
- un tunnel sous la route (écoduc) ;
- un passage surélevé qui traverse les infrastructures linéaires.
L’importance des écoponts pour la biodiversité
Dans le cadre de la préservation de la biodiversité, les écoponts représentent une solution d’ingénierie environnementale particulièrement stratégique.
Des travaux d’aménagement pour réduire la fragmentation des habitats
Les infrastructures humaines morcellent souvent les habitats naturels, ce qui limite la mobilité des espèces. Grâce aux écoponts, les animaux traversent en toute sécurité, et reconnectent des écosystèmes fragmentés.
Le trafic d’animaux en version écologique
Les routes et les autoroutes sont souvent le théâtre de collisions entre la faune et les véhicules. Outre le danger pour les conducteurs et le trafic, celles-ci causent des pertes animales significatives. Les écoponts réduisent ces accidents.
Le déplacement et la migration des animaux
De nombreuses espèces ont besoin de se déplacer pour trouver de la nourriture, un partenaire ou un nouvel habitat. Les écoponts facilitent ces déplacements essentiels à la survie des populations animales.
Le maintien de la diversité génétique
La fragmentation des habitats, en isolant les animaux, entraîne des problèmes de consanguinité. La construction d’un écopont favorise la rencontre et la reproduction entre différentes populations. Cela renforce la diversité génétique, un facteur de résilience pour les espèces.
Accompagner les effets du changement climatique
Certaines espèces doivent migrer pour s’adapter à de nouvelles conditions environnementales. Les écoponts facilitent ces migrations, en particulier pour les espèces qui ne peuvent pas traverser des zones humanisées ou dangereuses.
L’équilibre des écosystèmes
Enfin, la libre circulation des espèces contribue à la bonne répartition du rôle écologique de chacun (prédateur, proie, pollinisateur).
La conception et le fonctionnement des écoponts
La conception des écoponts varie selon les besoins des espèces locales et le type d’infrastructures qu’ils doivent traverser. Les matériaux utilisés dans la construction privilégient la durabilité et l’intégration écologique. Un écopont doit résister aux conditions climatiques. Certains ouvrages utilisent du béton, mais d’autres incluent des éléments recyclés ou naturels pour limiter leur empreinte environnementale. Les ponts végétalisés sont souvent recouverts de terre, d’herbes et d’arbustes pour imiter au mieux les habitats naturels. Les tunnels, eux, sont pensés pour les espèces plus petites, et peuvent inclure des systèmes de guidage pour éviter que les animaux ne s’égarent.
Les écoponts pour la faune terrestre
Le design d’un écopont doit tenir compte de la corpulence des animaux. Un écopont pour la faune terrestre doit cibler principalement les grands mammifères, tels que les sangliers et les chevreuils. Les passages doivent être suffisamment larges pour encourager les animaux à les emprunter. La largeur varie de 20 à 50 mètres selon les espèces, avec une végétation qui reproduit leur environnement naturel. Des brise-vues occultent la lumière des phares qui pourrait effrayer les animaux. Les études montrent que, lorsqu’ils sont bien intégrés, ces ouvrages deviennent rapidement des itinéraires privilégiés.
Les passages pour amphibiens et reptiles
Les amphibiens et les reptiles, souvent victimes du trafic sur les routes, bénéficient de passages spécifiques. Les tunnels et les galeries sous les voies dirigent les petites espèces vers les ouvrages adaptés. Des mares installées de part et d’autre du passage servent à les attirer. Ces solutions, simples mais efficaces, contribuent grandement à la conservation de ces populations particulièrement vulnérables.
Quels sont les exemples d’écoponts en France et à l’international ?
De nombreuses initiatives illustrent l’importance de développer des infrastructures adaptées à la faune locale.
Des voies de passage en France
Dans l’Hexagone, on estime qu’il existe environ 2 000 passages à faune, répartis sur l’ensemble du réseau routier et autoroutier. Ces infrastructures incluent des écoducs, des ponts végétalisés, des tunnels sous les routes et des passages aménagés le long des berges pour les espèces aquatiques. Deux acteurs majeurs, Vinci Autoroutes et le groupe APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de ces dispositifs. En Bourgogne-Franche-Comté, région traversée par d’importants axes autoroutiers, les passages à faune sont particulièrement nombreux et stratégiques. Vinci a, par exemple, développé des corridors écologiques sur l’autoroute A89, favorisant le déplacement des cerfs, sangliers et autres espèces. De son côté, APRR s’illustre avec des initiatives comme le passage à faune de l’autoroute A6 près de Beaune.
Des aménagements dans le monde
Les Pays-Bas ont commencé à investir dans les écoducs dès les années 1980, bien avant que d’autres pays n’en fassent une priorité. Cela témoigne de leur engagement historique en faveur de la conservation de la biodiversité. Le pays compte certains des plus grands écoponts au monde, comme le Natuurbrug Zanderij Crailoo, qui mesure environ 800 mètres de long.
Dans le Massachusetts, des tunnels spécifiques ont été construits sous des routes pour permettre aux salamandres de traverser en toute sécurité. Ces tunnels imitent leur habitat naturel, avec des fentes laissant passer la lumière et l’humidité, et des clôtures pour guider les animaux vers les entrées. Plus de 75 % de la population locale de salamandres utilise ces passages.
Le parc national de Banff, dans les Rocheuses canadiennes, est célèbre pour ses 44 passages à faune, combinant 6 ponts et 38 tunnels sous les routes. Ces infrastructures permettent aux animaux, tels que les grizzlis, les loups et les wapitis, de traverser l’autoroute transcanadienne sans danger. Les études ont montré une réduction de 80 % des collisions entre animaux et véhicules dans cette région.
Coûts, financements et avantages écologiques des écoponts
La construction d’un écopont constitue un investissement important, oscillant entre 1 et 5 millions d’euros, voire plus pour les ouvrages complexes. Ces coûts incluent les études d’impact, la réalisation technique et l’entretien à long terme.
Les financements proviennent souvent de partenariats avec :
- les sociétés d’autoroutes comme Vinci et l’APRR, qui intègrent ces aménagements dans leurs projets d’infrastructure ;
- les collectivités locales, soucieuses de préserver leur patrimoine naturel ;
- des associations environnementales, qui militent pour la mise en place de passages écologiques.
Un passage à faune apporte de nombreux bénéfices, c’est pourquoi il mérite l’effort d’investissement. Les passages préservent la biodiversité et contribuent à la survie des espèces menacées. Non seulement cet ouvrage écologique protège les animaux autant que les conducteurs, mais ils montrent l’engagement des pouvoirs publics en faveur du développement durable.
Ainsi, l’écopont représente une solution d’avenir pour concilier développement des infrastructures et respect de l’environnement. Sa conception innovante et son efficacité écologique en font un outil essentiel pour la préservation de la biodiversité.
Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur les questions environnementales et les aménagements durables ? Rejoignez l’ESI Business School, l’école de référence pour allier écologie et management dans le cadre d’un Bachelor Développement Durable ou d’un Mastère Développement Durable.