Les fondamentaux Ecoféminisme

Et si les luttes écologiques et féministes étaient en réalité les deux faces d’un même combat ? L’écoféminisme, fusion des mots « écologie » et « féminisme », est un mouvement né dans les années 1970 qui met en lumière les liens entre l’oppression des femmes et la destruction de l’environnement. Plus qu’une simple juxtaposition de causes, il propose une lecture critique des systèmes de domination et invite à repenser nos relations avec la nature et les êtres humains.

Définition et origine de l’écoféminisme

L’écoféminisme est un courant philosophique, éthique et politique. Il dénonce l’exploitation simultanée des femmes et des ressources naturelles.

Histoire du mouvement écoféministe

Le terme « écoféminisme » a été introduit en 1974 par la militante et écrivaine française Françoise d’Eaubonne. Elle affirme alors que le patriarcat est responsable de la surpopulation, de la surexploitation des ressources et des inégalités de genre. Pour elle, seule une transformation radicale de nos sociétés permettrait d’éviter un effondrement écologique et social.

Dans les années 1980, le concept prend de l’ampleur grâce aux travaux de Carolyn Merchant, qui analyse comment la révolution scientifique et industrielle a renforcé la domination de l’homme sur la nature. Ainsi que Vandana Shiva, qui démontre comment le capitalisme néocolonial exploite à la fois les femmes et les terres agricoles.

À partir des années 1990, l’écoféminisme se diversifie, s’enrichit de multiples théories et intègre des perspectives intersectionnelles. Cela met alors en évidence comment d’autres formes d’oppressions (racisme, colonialisme, capitalisme) interagissent avec la domination de la nature et des femmes.

Pourquoi relier féminisme et écologie ?

Le féminisme et l’écologie sont deux combats qui, en apparence, semblent distincts. Pourtant, ils sont profondément interconnectés et partagent une même lutte politique contre les systèmes d’oppression.

L’écoféminisme met en évidence comment le patriarcat et le capitalisme reposent sur une logique de domination commune, qui considère aussi bien les femmes que la nature comme des ressources exploitables et malléables. Dans la pensée écoféministe, le corps des femmes, tout comme la nature, est souvent perçu comme un territoire à contrôler et exploiter.

Le lien entre oppression des femmes et destruction de la nature

En analysant les mécanismes de domination, l’écoféminisme montre que l’exploitation des femmes et celle de la nature reposent sur des logiques communes. Il propose ainsi une vision alternative du monde, fondée sur l’équilibre et la coopération plutôt que sur l’exploitation.

Parallèle entre domination patriarcale et exploitation des ressources

L’idéologie patriarcale repose sur un modèle de domination : des hommes sur les femmes, des humains sur la nature. Ce parallèle se retrouve dans :

  • L’extraction des ressources de la nature (forêts, terres, eau) au profit de quelques-uns et au détriment des populations locales et des femmes.
  • La précarisation du travail des femmes, notamment dans les secteurs agricoles et industriels.
  • L’invisibilisation des savoirs et des contributions des femmes, notamment dans les communautés autochtones et rurales.

L’écoféminisme propose une alternative fondée sur la coopération, le respect de la nature et la justice sociale.

Les femmes, premières victimes des catastrophes climatiques

Les catastrophes climatiques frappent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, notamment les femmes. Dans les pays du sud, elles sont responsables de 60 à 80 % de la production alimentaire, mais possèdent rarement les terres qu’elles cultivent. Lorsqu’une sécheresse ou une inondation survient, les femmes sont les premières à perdre leur source de revenus.

De plus, les crises environnementales exacerbent les violences de genre :

  • Les déplacements forcés liés au changement climatique augmentent les risques d’exploitation et de violences sexuelles.
  • Linsécurité alimentaire pousse de nombreuses jeunes filles à des mariages forcés ou à l’exploitation économique pour survivre.
  • Les catastrophes naturelles limitent l’accès aux soins de santé reproductive, mettant en danger le corps et la vie des femmes.

En ce sens, lutter pour la justice climatique, c’est aussi lutter pour les droits des femmes.

Figures emblématiques et mouvements écoféministes

L’écoféminisme est un mouvement vivant, porté par des figures historiques, mais aussi par des luttes qui montrent que le développement d’un autre modèle de société est possible.

Personnalités marquantes de l’écoféminisme

Plusieurs figures ont marqué l’histoire du mouvement écoféministe dans notre société, en mettant en lumière l’interconnexion entre féminisme et écologie.

Françoise d’Eaubonne (France) – Pionnière du concept d’écoféminisme

En 1974, elle invente le terme « écoféminisme » dans son livre Le féminisme ou la mort, dénonçant le rôle du patriarcat dans la crise écologique. Pour elle, seule une révolution des rapports entre les genres et avec la nature peut empêcher l’effondrement de la planète.

Vandana Shiva (Inde) – Défenseuse des paysannes et des semences libres

Philosophe, physicienne et militante féministe indienne, Vandana Shiva dénonce l’agriculture intensive, la biopiraterie et la privatisation des semences. Son combat : défendre une agriculture libre et écologique, au service des paysannes plutôt que des multinationales.

Wangari Maathai (Kenya) – Écologie et émancipation des femmes

Première femme africaine à recevoir le Prix Nobel de la paix en 2004, elle fonde le Mouvement de la Ceinture Verte, qui a permis la plantation de millions d’arbres au Kenya tout en autonomisant les femmes par le travail. Son combat montre comment écologie et justice sociale sont indissociables.

Greta Gaard (États-Unis) – L’écoféminisme sous un prisme intersectionnel

Chercheuse et écrivaine, Greta Gaard analyse les liens entre écologie, féminisme, antiracisme et justice sociale. Ses textes posent l’écoféminisme comme une approche intersectionnelle, dénonçant les oppressions croisées qui touchent les femmes, les minorités et la nature.

Jeanne Burgart Goutal (France) – Philosophe engagée pour l’écoféminisme

Parmi les figures plus récentes du mouvement, Jeanne Burgart Goutal se démarque par son approche engagée et multidimensionnelle de l’écoféminisme. Autrice et enseignante, elle explore les racines et les contradictions de l’écoféminisme à travers une approche féministe accessible et engagée. Son livre Être écoféministe évoque notamment l’application de l’écoféminisme au quotidien.

Exemples d’actions et de luttes écoféministes

L’écoféminisme se traduit par des actions concrètes menées par des collectifs et des militantes à travers le monde.

  • Le mouvement Chipko (Inde) : Dans les années 1970, des écoféministes indiennes se sont enchaînées aux arbres pour empêcher la déforestation. Leur action a inspiré de nombreux mouvements de protection de la nature.
  • Les Greenham Common Women (Royaume-Uni) : Dans les années 1980, des militantes ont mené un blocus autour d’une base militaire nucléaire pour dénoncer l’impact des armes sur l’environnement et la paix mondiale.
  • Les luttes des femmes autochtones en Amérique latine : De nombreuses femmes autochtones luttent contre les projets miniers et pétroliers menaçant leurs territoires. En Équateur, les femmes Waorani ont réussi à stopper l’exploitation pétrolière dans leur région en 2019.

Comment intégrer l’écoféminisme dans ses actions écologiques ?

L’écoféminisme propose une transformation profonde de notre rapport à la nature, en valorisant des modes de vie plus respectueux, solidaires et équitables. Chaque femme et chaque homme peut y contribuer, à sa manière.

Approches et initiatives locales

L’écoféminisme se traduit par des actions concrètes à l’échelle locale qui combinent justice sociale et respect de l’environnement :

  • Encourager l’agriculture durable et solidaire : soutenir des fermes gérées par des femmes, développer les pratiques de permaculture et promouvoir les circuits courts pour réduire l’impact écologique.
  • Défendre l’accès des femmes à la terre et aux ressources : dans plusieurs pays, des projets visent à donner aux femmes des droits fonciers pour qu’elles puissent gérer durablement leurs cultures et leurs territoires.
  • Favoriser des alternatives économiques et éthiques : coopératives, monnaies locales, recyclage et upcycling, etc. Ces initiatives permettent de sortir du modèle capitaliste qui surexploite à la fois les femmes et l’environnement.

Comment chacun peut agir pour l’écoféminisme ?

Même à son échelle, il est possible d’intégrer l’écoféminisme dans son engagement quotidien :

  • Consommer de manière responsable : privilégier les produits issus de filières éthiques et respectueuses de la planète et des droits des femmes (comme les vêtements issu du commerce équitable ou les cosmétiques bio).
  • Soutenir les mouvements écoféministes : en rejoignant ou en relayant les actions de collectifs engagés dans la défense des droits des femmes et de l’environnement.
  • Adopter une posture intersectionnelle : prendre en compte les inégalités de genre et de classe dans ses discours et ses actions.
  • Sensibiliser son entourage : parler d’écoféminisme, partager un livre intéressant, organiser des projections de documentaires pour éveiller les consciences et faire du lien.
  • S’engager en politique : interpeller les élus, signer des pétitions, participer à des marches pour la justice climatique et sociale.

En fait, en liant justice sociale et protection de l’environnement, l’écoféminisme ouvre la voie à des actions collectives et individuelles porteuses de sens. Toutefois, l’écoféminisme n’est pas seulement un mouvement militant, c’est aussi une pensée parmi diverses théories, qui remet en question nos modèles de domination et propose une vision alternative du monde.