Les fondamentaux Le phénomène des marées noires

Des oiseaux marins aux allures macabres de chauves-souris, englués dans une nappe de pétrole, voilà l’image d’après. Après qu’un navire a déversé sa cargaison dans l’océan, des millions de tonnes d’hydrocarbures assombrissent l’eau. Poussée par les vents, une marée noire et visqueuse avance vers les côtes. Accident, fuite lors du transport maritime ou naufrage d’un pétrolier, les conséquences restent les mêmes. Une pollution durable de l’écosystème.

Les causes d’une marée noire, l’histoire qui se répète

Côté sombre d’une société accro au pétrole, la marée noire alimente régulièrement l’actualité en France et dans le monde. Elle survient principalement après un accident impliquant un pétrolier, une plateforme offshore ou un oléoduc :

  • le naufrage de navires pétroliers, comme celui de l’Amoco Cadiz en 1978, qui déverse 225 000 tonnes de pétrole au large de la Bretagne, ou de l’Erika en 1999, qui souille de fioul près de 400 km de côtes ;
  • une fuite lors de forages, un cas illustré par la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, qui, en explosant, a déversé plus de 750 millions de litres de pétrole dans le golfe du Mexique ;
  • un accident lié à une rupture de conduite d’un oléoduc, comme au large des plages de Californie en 2021 ;
  • et même un acte intentionnel lors de la guerre du Golfe, quand le sabotage de nombreux puits de pétrole a précipité dans l’océan plus d’un million de tonnes de pétrole.

Les hydrocarbures : une catastrophe pour l’environnement

Un désastre écologique, c’est ce que provoque une marée noire.

Quand le pétrolier saigne

Au contact de l’eau, le pétrole brut forme une couche épaisse et collante qui empêche le passage de la lumière et de l’oxygène. Cette nappe provoque une asphyxie du milieu.

Les hydrocarbures se répandent au gré des vents et peuvent recouvrir des dizaines de kilomètres de plage. La pollution des océans et du littoral détruit alors les zones habitables de nombreuses espèces.

Les dommages collatéraux

Conséquence immédiate, le pétrole empoisonne les organismes marins. Plancton, oiseaux et mammifères marins, toute la chaîne alimentaire est contaminée.

Cette pollution à grande échelle dégrade également l’activité économique et touristique dans les régions concernées. La pêche, en particulier, en subit de plein fouet les dommages.

Les effets de la marée noire sur les végétaux et les animaux marins

La faune est particulièrement vulnérable aux marées noires.

La vie en bleu pétrole

Les oiseaux marins ingèrent des toxines en tentant de nettoyer leur plumage souillé de pétrole. Après la catastrophe de l’Erika, au large des côtes du Finistère, des milliers de cadavres d’oiseaux ont été retrouvés.

Les poissons accumulent dans leurs tissus des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) qui augmentent significativement la mortalité. L’exposition au pétrole réduit leur fertilité et cause des malformations chez les embryons ou les larves. Les mammifères marins, comme les phoques et les dauphins, souffrent de lésions cutanées, d’inflammations des yeux et de troubles respiratoires. Désorientés, ils modifient leurs habitudes de chasse et de migration. Quant aux tortues marines, elles ont déjà une faible espérance de survie naturelle, que la pollution vient encore réduire.

Du fioul dans l’eau des plantes

La végétation côtière et marine souffre également de la pollution pétrolière. Les hydrocarbures asphyxient les mangroves, les récifs coralliens, les herbiers marins, indispensables à l’équilibre des écosystèmes sous-marins. La disparition des plantes laisse le champ libre à l’érosion des côtes. La pollution perturbe durablement l’environnement. Les hydrocarbures peuvent persister des décennies dans les sols et les sédiments. Certaines populations végétales et animales ne se remettent pas d’une telle pollution. Et la disparition d’espèces met en péril la biodiversité et l’équilibre écologique.

Les efforts de nettoyage et de réhabilitation en faveur de l’écologie

Face à une marée noire, l’ampleur de la tâche paraît énorme. Mais chaque geste compte, initiatives citoyennes ou techniques de nettoyage mises en place par les autorités, telles que :

  • les barrages flottants pour endiguer la propagation du pétrole ;
  • l’utilisation de dispersants chimiques pour fragmenter la nappe d’hydrocarbures ;
  • l’aspiration et le pompage des nappes flottantes à la surface de l’eau ;
  • le nettoyage manuel des plages par des volontaires et des associations de défense de l’environnement ;
  • la bioremédiation, une méthode qui utilise des bactéries naturelles pour décomposer les hydrocarbures.

 

Produits pétroliers et pollution : les leçons apprises et les actions préventives

De l’Amoco Cadiz au pétrolier Prestige, les différents naufrages, accidents ou avaries ont mis en lumière des lacunes dans la régulation maritime.

Le combat après le naufrage de l’Amoco

Édile d’une commune dans le Finistère au moment du naufrage de l’Amoco Cadiz, Alphonse Arzel s’est rapidement imposé en figure de proue de la défense de l’environnement. Sa lutte pour faire payer l’armateur américain caché derrière le pavillon libérien s’est soldée par une victoire, au terme de 14 années de procédure. Une loi entérine ensuite en France la responsabilité des personnes morales (société, association, collectivité) en matière d’environnement.

Le préjudice écologique de l’Erika

Après le naufrage de l’Erika, la convention MARPOL, adoptée en 1973 par l’Organisation maritime internationale, modifie la réglementation. Les normes de construction des pétroliers s’améliorent, et les navires à double coque deviennent obligatoires.

Accusés de pollution marine, le groupe Total, l’armateur de l’Erika et l’organisme de certification du navire ont dû verser 192 millions d’euros de dommages et intérêts. Le jugement a d’ailleurs établi, pour la première fois, la jurisprudence du préjudice écologique, qui reprend le principe du pollueur-payeur.

Depuis, les « paquets Erika », initiatives des autorités européennes, imposent des mesures pour renforcer la sécurité maritime et protéger l’environnement.

Les autorités contre vents et marées

Les plans de prévention incluent désormais l’élaboration de protocoles d’urgence en cas de déversement, la formation d’équipes d’évaluation et d’intervention (EII), et des stocks de matériel à déployer dès la catastrophe. Dernier point en faveur de l’environnement, le renforcement de la sécurité qui passe par un encadrement plus strict du fret pétrolier. Infractions et mauvaises pratiques cèdent sous le durcissement des contrôles des navires et les normes devenues exigeantes. De plus, des sanctions plus sévères visent à dissuader les comportements négligents et à responsabiliser les compagnies pétrolières.

Comment réduire les risques de marée noire et protéger l’environnement ?

Certains diront qu’il faut réduire la dépendance au pétrole en proposant une alternative énergétique durable. Qu’il faut favoriser le développement de technologies propres. Mais des navires chargés d’or noir continueront toujours de sillonner les mers.

Réglementer la route du pétrole

Aussi faudrait-il au moins restreindre le trafic pétrolier dans certaines zones écologiquement sensibles, comme les récifs coralliens ou les eaux proches des réserves naturelles. L’impact sur l’environnement d’un accident serait alors mieux contenu. Le corail est en effet très sensible aux hydrocarbures qui peuvent retarder son développement, voire le détruire. L’île Maurice en a fait les frais en 2020, lorsqu’un vraquier japonais a vidé 1 000 tonnes de fioul dans ses eaux cristallines.

Renforcer la sécurité grâce à l’IA

Les nouvelles technologies, telles que les capteurs sous-marins, les drones et les satellites, détectent déjà la moindre anomalie dans le stockage et le transport des hydrocarbures. Et l’intelligence artificielle apporte sa contribution avec des algorithmes qui permettent d’anticiper les fuites. L’analyse de données en temps réel doit pouvoir éviter une catastrophe. L’avenir le dira.

Pour l’instant, les galets de fioul se ramassent à la pelle sur les plages du littoral de la mer Noire. Deux pétroliers russes y ont laissé une eau noire dans le sillage de leur naufrage en décembre 2024.

Amoco Cadiz, Erika, Prestige, chaque catastrophe pétrolière a marqué l’histoire et l’actualité. Même si les moyens déployés sont aujourd’hui à la hauteur de la technologie, même si les autorités agissent davantage en faveur de l’écologie, les mers ne sont toujours pas à l’abri d’une nappe de pétrole. Et la vie peine à reprendre le dessus après une marée noire.

 

Envie de soutenir l’écologie dans un travail qui a du sens ? Rejoignez l’une des formations de l’ESI Business School, l’école de commerce et développement durable.