16 juillet 2025
L’impact environnemental des soldes : ce que l’on ne voit pas derrière les étiquettes
Deux fois par an, c’est la ruée : vitrines tapissées de -50 %, sites e-commerce en surchauffe, files d’attente devant les magasins… Les soldes, souvent perçus comme une aubaine pour le porte-monnaie, sont aussi au cœur d’un débat éthique plus large : à quel prix consommons-nous vraiment ? Derrière le plaisir de réaliser de bonnes affaires se cache un coût environnemental bien plus lourd que les étiquettes ne le laissent penser. Mode, électronique, déco, etc., tous les secteurs sont touchés. En réalité, les soldes ne sont que la partie émergée d’un iceberg nommé surproduction.
Les soldes, le reflet d’un modèle de consommation dépassé
Chaque année, des millions de produits sont fabriqués en trop, puis écoulés à prix cassés. Les soldes ne sont pas seulement une période de ristournes. Ils révèlent aussi les dérives d’un système fondé sur la surproduction et la consommation rapide, en contradiction totale avec les objectifs de transition écologique et de lutte contre le changement climatique.
Un système basé sur la (sur)production
Pourquoi les soldes existent-ils ? Parce que les marques produisent plus que nécessaire, anticipant les invendus qu’il faudra écouler. Cette logique repose sur un principe simple : mieux vaut produire trop que pas assez. Quitte à brader ce qui a été produit plus tard.
Mais cette surproduction a un coût :
- consommation massive de ressources (eau, énergie, matières premières) ;
- transport à l’échelle mondiale ;
- destruction d’invendus, parfois même neufs, qui n’ont trouvé preneur ni à prix fort ni en solde.
À l’échelle mondiale, l’industrie de la mode est un exemple flagrant, selon l’ADEME, environ 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année. Une grande partie ne sera jamais portée.
L’obsolesecence programmée des prix
Les soldes sont devenus un levier marketing, où le « plein tarif » n’est qu’une illusion temporaire. Les entreprises fabriquent parfois directement pour les périodes de rabais. Résultat ? Les consommateurs sont piégés dans un cycle sans fin :
- Acheter rapidement avant que l’article disparaisse ou que la promotion prenne fin.
- Se lasser vite du produit (souvent de faible qualité ou peu adapté).
- Recommencer.
Ce cycle, qui alimente le gaspillage et l’épuisement des ressources, est très symptomatique de l’impact environnemental des soldes. Et en France, ce phénomène ne s’arrête pas aux soldes d’hiver ou d’été : le Black Friday, avec sa frénésie d’achats en ligne, incarne parfaitement cette logique de consommation excessive, aux impacts environnementaux et sociaux profonds.
L’impact écologique des soldes dans chaque industrie
Tous les secteurs ne sont pas égaux face à l’impact des soldes. Mais qu’il s’agisse de vêtements, d’électronique ou de décoration, un point commun persiste : produire plus pour vendre plus, quitte à sacrifier l’environnement.
L’industrie de la mode : la fast-fashion poussée à l’extrême
Le secteur textile est l’un des plus polluants au monde. Les soldes aggravent encore plus l’impact de la fast-fashion sur l’environnement avec :
- une forte incitation à la consommation : on achète parce que « c’est pas cher », pas parce qu’on en a besoin ;
- une production accélérée à bas coût, souvent dans des conditions sociales dégradées ;
- des vêtements jetés rapidement, car de moindre qualité ou achetés sur un coup de tête.
Le coton, utilisé massivement dans la mode, illustre bien le problème : sa culture est très gourmande en eau, en pesticides, et contribue à la dégradation des sols dans de nombreux pays producteurs. Un jean nécessite environ 7 000 à 10 000 litres d’eau pour sa production. Quand il est soldé à -70 %, le prix baisse, mais l’empreinte écologique, elle, reste entière.
L’électronique : des appareils vite dépassés
Pendant les soldes, de nombreuses enseignes proposent télévisions, smartphones ou ordinateurs à prix cassés. Mais ces appareils sont tout de même produits avec des matières premières rares et polluantes, et difficiles à recycler efficacement.
En moyenne, un smartphone contient plus de 50 matériaux différents, dont des métaux rares extraits dans des conditions écologiquement désastreuses. Acheter un appareil dont on n’a pas besoin, même à moitié prix, c’est soutenir cette chaîne invisible.
Mobilier, jouets, décorations : le piège du « petit prix »
Dans les rayons déco ou jouets, les soldes favorisent une consommation impulsive. Résultat :
- des objets qui cassent vite ;
- une montagne de déchets difficilement recyclables ;
- des transports longs (souvent depuis l’Asie), pour des objets parfois utilisés pendant quelques semaines seulement.
Ces articles, de faible qualité, finissent parfois dans un circuit d’économie circulaire, mais ils alourdissent néanmoins l’empreinte écologique de nos achats du quotidien.
L’autre face des soldes : pollution, déchets et gaspillage
Ce qu’on achète finit souvent par être jeté. Emballages, objets cassés, vêtements délaissés… les soldes participent à l’explosion des déchets et à l’épuisement des ressources. Au-delà des produits eux-mêmes, la logistique des soldes pèse aussi lourdement sur la planète.
Plus on achète, plus on jette
Les soldes nourrissent une « culture du jetable« . On achète trop, sans réflexion, et on finit par jeter… ou entasser. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, l’Europe a produit 6,95 millions de tonnes de déchets textiles en 2020, soit environ 16 kg par habitant. À cela s’ajoutent des équipements électroniques encore fonctionnels, mais aussi des objets achetés simplement parce qu’ils étaient en promotion et qui n’auront jamais été utilisés.
Le coût caché de la logistique
Les plateformes de vente en ligne explosent pendant les soldes. Cela représente :
- des milliers de colis expédiés, souvent dans l’urgence ;
- des retours massifs (en particulier dans le prêt-à-porter) ;
- des transports aériens ou routiers polluants.
Un simple aller-retour de colis, c’est plusieurs kilos de CO₂ émis, sans compter les emballages plastiques ou cartons à usage unique.
Ce que cachent les petits prix : l’impact social des soldes
Derrière les étiquettes à -50 %, se trouve souvent des travailleurs invisibles, mal payés, soumis à des cadences infernales. La pression pour produire vite et pas cher entraîne aussi des conséquences humaines, que l’on préfère souvent ignorer. Mais ces prix cassés ne sont possibles qu’en comprimant au maximum les coûts de fabrication : salaires très bas, conditions de travail précaires, absence de droit syndical, etc.
Dans les pays de production textile ou électronique (Bangladesh, Chine, Vietnam, etc.), les soldes appliqués en France signifient souvent :
- des heures supplémentaires non payées ;
- un travail sous tension pour respecter les délais ;
- un impact sur l’environnement local.
Acheter moins cher, c’est parfois payer plus cher ailleurs, humainement, écologiquement et socialement.
Acheter autrement, c’est possible
Il est possible d’acheter de manière plus responsable, sans pour autant renoncer au plaisir ou au style. En repensant nos besoins et en privilégiant des alternatives plus durables, chacun peut faire sa part.
Avant d’acheter en solde, posons-nous une question simple : en ai-je vraiment besoin ?Si l’achat répond à un usage réel, pourquoi pas. Mais si c’est uniquement pour profiter d’un prix, mieux vaut y réfléchir à deux fois.
Des alternatives existent, accessibles à tous :
- acheter des articles de seconde main : friperies, Vinted, LeBonCoin, etc. ;
- réparer ou apprendre à le faire : un appareil électronique en panne n’est pas forcément bon pour la poubelle. On note à ce titre l’essor des ressourceries/recycleries ;
- opter pour des marques éthiques : certaines marques proposent des produits durables, hors périodes de soldes, à des prix justes toute l’année.
Soutenir l’économie circulaire, c’est prolonger la durée de vie des objets et réduire les impacts environnementaux pour la planète. Et si changer nos habitudes individuelles est essentiel, faire évoluer les politiques publiques l’est tout autant : réguler la fast-fashion, encourager la transparence des entreprises, soutenir les filières de réemploi et sensibiliser à l’impact environnemental des soldes. Ce sont autant de leviers à activer.
Les soldes, à première vue, font du bien au portefeuille. Mais à y regarder de plus près, ils participent à un modèle économique et écologique qui s’essouffle. Chaque produit en solde a une histoire : matières premières, énergie, transport, conditions de travail… Alors, si on profitait des prochaines soldes pour acheter moins, mais mieux ?